Pascual

mercredi, mars 29, 2006

Esquisse impressioniste du Nord Ouest Argentin

Il y aurait, au coeur d'arides montagnes aux couleurs oxydées, d'éparses oasis écloses à fleur de rio. D'étranges coeurs de villes, semblables, carrés, copiés, minéraux, apprêtés, importés, coloniaux. De bricoles faubourgs poussiereux se perdant dans l'infertile. Il y aurait de redoutables armées ultra-violettes, chassant, débusquant, traquant les reperes ombrages. Repoussant vers leurs refuges montagneux de couards nuages matinaux. Il y aurait d'obscurs vins à cueillir posés sur de tortueux pieds en lambeaux, de nobles fruits contraints par leur rondeurs et l'assaut du jour à une paresseuse attitude.

Il y aurait, dans ce decor, la legion fourmillante des corps recolteurs, sèchés, brûlés, piqués. Des coeurs a l'écorce rugueuse. Coeurs jeunes, tenaces, solides, parsemés d'autres plus uses. Et meme un petit coeur ridé, dans un petit corps feminin fatigué, mu par le necessaire courage d'une sexagenaire plus démunie.

Il y aurait une immigration occidentale posant question. Une demarche à comprendre. Une réserve indigène. Un jugement revu. Une communion de labeur progressivement acceptée. Une cascade de dégel. D'émouvants aveux de "compañero de trabajo". De croissantes rencontres dans le monde sans raisins.

Il y aurait bien sur d'opaques réveils. D'ondulants portages dans les labyrinthes cultivés. De lyriques cris de courage, de hurlantes "Quebranta". De récurents bricolages. De perpetuelles astuces. D'interminables tête à tête filtrés par de minuscules fruits. De quotidiens concours de rendements. D'amoureuses épines. D'attendus entractes nouriciers. De furtives siestes. De mérités "mates". D'hilares partages transatlantiques de gastronomie populaire. Des parillas sans pareils. De fastueux repas de riz. De nocturnes brasiers.

Il y aurait quelquefois d'imaginaires maladies locales, occasions de cueillettes buissonieres.

Il y aurait aussi de persistantes effluves de fermentation. D'errantes tribus de grenouilles d'opera, conversant avec d'ululants chiens noctambules aux prénoms comestibles. De Fredonnantes abeilles suceptibles. De vieux gauchos mélomanes à la mémoire vagabonde. D'omniprésents feuilletons footbalistiques. Une fille d'alchimiste à la hache baladeuse. D'incorrigibles fillettes, apprenties peintres et plumant le pauvre clown Oscar. D'auto-censures delires...

Il y aurait enfin, incrustee dans un sarment, au coin d'un feu de bois, dans le cru 2006 peut-etre, de taquins tanins belges.

mercredi, mars 15, 2006

Cafayate et le sang de Saint Charles

Lundi matin, 7h00. Adosse au rebord de la remorque a raisins tiree par un tracteur d'un autre temps, Julian oscille entre la somnolence et un etat qu'il voudrait eveille, tete tombante, bras croises, paupieres lourdes. L'oeil juste suffisament eveille pour eviter les branches des arbres bordant le chemin. Casquette bleue completee par la capuche de son pull vert. Le visage ferme. Plus tard, un sourire ensoleille viendra decouvrir une dentition eparse, et communiquer le rire et la joie.

A 34 ans, il est l'un des plus vieux cosecheros de la Bodega, "El Abuelo (ou Pijilla)" comme le surnomme amicalement Sebastian ("Piscuy"), 18 ans, son inseparable compagnon. Lui-meme a la recherche permanente du rire et de la bonne replique avec Jorge ("Chichi"), le clown, forte tete comme lui . Ensemble, ils forment un groupe d'une dizaine de travailleurs polyvalents, provenant du meme village et qui se deplaceront toujours avec le travail.

A cet instant, cependant, tous les yeux sont encore remplis de sommeil. La cosecha n'est pas un travail sale, ni dangereux. Pas malsain non plus. Un peu dur pour le dos. Mais il fatigue. A cause des gestes repetes, du rytme que s'infligent les cosechadores, payes a l'unite. Et de la chaleur surtout, presente a chaque pied de vigne. Plus encore sur ces vignes verticales, sans jamais d'ombre, ou si basse. Lentement justement, le soleil eclaire les rares nuages, les premiers sommets rocheux, et les vignes. En meme temps que les brumes tant esperees, se dissipent les voiles des regards. Mercredi, peut-etre. il fera nuageux. L'apres-midi. vers 15h, lorsque le vent thermique se levra. Il pleuvra vers 17h30, juste avant la fin de la journee. Pour l'heure, cueillir. Et penser a rire, a s'extravertir aussi, au son de bruyants "¡Quebranta!", hurles par Sebastian, et repris par d'autres.

Une heure avant la pause de midi, l'un d'entre eux, l'un des moins rapides, quittera la vigne pour aller preparer le repas. Riz avec saucisse. Peut-etre mangeront-ils avec les deux Belges. Pas encore sûr. Deux gringos un peu locos, qui ont decide de partager leur travail. A la bodega, personne ne sait vraiment pourquoi. Mais comme ils semblent s'accrocher, Julian a propose de planter la tente a cote de la maison qu'il partage ici, a Cafayate, a 30 km de chez lui, de San Carlos. Pour economiser le camping. Et parler ensemble.

La semaine prochaine, si Julian convainc assez de monde, surtout parmis les gens de Cafayate, un peu rivaux, il y aura greve. Avec des piquets, comme il y a deux ans. Pour que tous les travailleurs gagnent 30 pesos par jour, fixes. Par sa rapidite et son application, Julian les gagne de toute facon. Pour tous, ce serait mieux. Il y aura alors evidemment un risque plus important que les moins rapides ne soient pas engages. Mais dans l'ensemble, il pense que c'est un progres. D'autres bodegas fonctionnent deja sur ce modele. Apres les vendanges de toutes facons, il louera ses bras a la construction. Puis de nouveau les travaux d'entretien des vignes. Toujours avec la bande des "Quebrantas" de San Carlos, plus ou moins groupee selon les occasions. Toujours avec les memes "caras cansadas" et les memes rires.

Un peu de sang de San Carlos a Cafayate, pour notre plus grand bonheur.

dimanche, mars 12, 2006

Estamos cosechando

Enfin, les vendanges... Apres ce temps de touristes, nous voici la tete exposee au soleil et le corps couvert de nectar. Cette chance de vivre enfin vraiment sur ce continent nous est sutout offerte par le manque de main d'oeuvre locale, ou le manque d'engouement pour un travail dur et mal paye. Lors du premier entretien avec "notre" bodega (La Banda, Cafayate, Argentine) une semaine auparavant, l'engagement d'etrangers posait des problemes légaux presqu'insurmontables. Recevant regulierement ce genre de remarques, nous sommes alles a l'administration communale pour obtenir une autorisation de travail. Ayant entendu par voie de pub a la radio que "La Banda" recherchait encore des cueilleurs, j'ai recontacte l'ingenieur viticulteur. Devant notre entetement, et la penurie de bras, le fameux document n'etait curieusement plus necessaire, et nous pouvions commencer 1h30 plus tard... "Bien que vous savez, c'est dur, et puis sale,et puis pas comme en France,..."

Nous cueillons donc, et portons (je) les caisses de 25-30 kg. Dans des vignes au plafond exagérement bas, et jusqu'à une remorque exagérement loin aux dires de l'ingenieur. Les locaux s'interrogent un peu sur ces gringos, qu'ils jaugent d'abord, et qu'ils aimeraient voir extenues. Nous repondons donc "un poco cansado" a leur question favorite. Le rendement des premiers jours par contre n'a pas encore atteint le niveau des habitues, au nombre de 15 cueilleurs pour +/- 75 ha. Nous pouvons esperer remplir 60 caisses par jour (pour 8 euros à 2). C'est seulement maintenant qu'on prend reellement conscience de la double signification du "faible cout de la vie".

Dans les vignes, apres les regards obliques, les premiers contacts se nouent avec certains des travailleurs au dialecte particulier et qui, reprenant l'expression amusante de l'ingenieur, s'amusent de faire partie de la seule bodega de Cafayate possedant des "Cosecheros importados".

Ces gringos qui, la tete abrutie de soleil, comme les autres cosecheros d'ici et contrairement a la France, ne trouvent pas la force de boire le soir, ou si peu. Pas a la Bodega en tout cas. Et pas sans lui trouver un gout légèrement different.

Adresse : http://www.vasijasecreta.com/ (Cafayate, Nord Ouest Argentin)

Cosecha - Photos

La casita des cosecheros de San Carlos a Cafayate
Julian et Sebastian
Jorge
Costela, naif voleur de raisins
Et sa victime...El Capitano
et le comptage des "fichas"

Le labo
Les alentours de Cafayate

vendredi, mars 10, 2006

Airs du vent

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Bungy

Le vide... Immense, transparent, limpide, l'espace sans reperes, philosophique, existentiel, metaphysique. Le rien tellement present et pourtant tellement intouchable.

Deux pieds s'avancent lentement vers le neant. Les miens. Deux bras se levent. Pas un signe de victoire. Plutot un rituel guidant les derniers instants avant le grand moment. Un corps se penche, lentement d'abord. Puis le mouvement devient inarretable. Se transforme en chute.

Un cri cherche a sortir...

Et une heresie, un contre-pouvoir a l'apesanteur. D'abord faible et discret. Et rapidement puissant et present. Une lutte sans merci. Le contre pouvoir prend la direction des pieds. Le pouvoir etabli, celui de la tete. Un homme, depuis de l'element eau, vient enfin mettre un terme a ce conflit. Le contre pouvoir s'en retourne, passablement vaincu. L'objet de la lutte rejoint le pont entre les deux rives inhabitees. Il s'appercoit que l'elastique a tenu.

Marie, stressée?
Et le saut...
Pascal, Hallelujah...

vendredi, mars 03, 2006

La sieste d'un libraire de Salta