Pascual

lundi, juin 26, 2006

Arequipa et Casa Verde

Avec ses 300 jours d'ensoleillement annuel et son altitude plus modérée, le climat d'Arequipa, deuxième ville du Perou, contraste avec celui des hauteurs de Cusco et de l'Altiplano Bolivien. La ville est elle même très claire, construite en pierre de lave blanche, "le Sillar". Le magnifique centre urbain date de l'époque coloniale; les conquistadors de l'endroit s'étant enrichis du passage des caravanes de métaux de Potosi... Tiens donc. Notre principal intérêt, l'objet de notre attention était cependant tout autre : les petits pensionnaires de Casa Verde. Cette maison, née il y a environ 10 ans de la volonté d'un couple Germano-Peruvien, et financé en grande partie par des Allemands, accueille des mioches de 4 à 12 ans. Par la suite, les ados sont séparés, en Trampoline Hombres et Mujeres.

Pendant un mois, nous avons vécu chaque jour (avec un jour de conge sur les 4 dernieres semaines) avec "les Niños", essentiellement comme "professeurs". Si l'adieu a été (tres) dur, la vie n'a pas toujours été simple, et pourtant, magnifique. Habitués aux contacts adultes, il fallait s'habituer à une relation plus affective, à demander 10 fois au groupe et à chacun de se taire pendant les interminables devoirs, se fâcher parfois, les voir se fermer, essayer de nous influencer, nous provoquer, pleurer. Après une demi-heure cependant, les heurts étaient oubliés, ils venaient nous sauter dans les bras, et éventuelement prendre leur voix la plus douce pour nous demander une faveur. Pour expliquer certaines de leurs sautes d'humeur, il faut dire que la charge de travail scolaire et domestique est impressionante : après l'école qu'ils terminent à 14h30, ils dinent, puis s'acquitent de leurs devois jusqu'au souper vers 19h. Ceux qui n'ont pas termine buchent encore jusque parfois 21h... Le samedi est consacré à la lessive le matin et aux devoirs l'après midi. Et le dimanche matin, au lavage du Foyer et aux diverses revisions. J'attendais souvent l'apres midi du dimanche pour emmener les chicos jouer au foot "au parc". Malheureusement, contrairement aux autres, l'éducatrice du dimanche matin punissait tellement d'enfants que notre équipe etait souvent réduite a 3 ou 4 joueurs...

Nous aidions donc essentielement aux énormes devoirs. Parfois à 6 professeurs pour 16 eleves, parfois a 1 professeur pour 8 élèves. Difficile de les faire travailler sans qu'ils ne copient. Surtout avec une telle masse de "tareas", lorsqu'il y a deux classes différentes, plus une petite "chica especial", et qu'une des matières s'appelle "histoire du Perou". Encore plus dur la semaine des examens, quand il n'y a pas de devoirs définis, et que chacun croit qu'il "connait deja". Il faut donc faire étudier chacun selon son niveau et sa classe, assis sur une chaise, et sans trop crier...

Nous aidions en fait dans son travail Jose Luis, l'instituteur attitré, très chouette, qui essaie de laisser une place au jeu et à l'imagination des enfants dans une éducation très stricte. Au coin d'un bar, il se dit par ailleurs désoleéde l'attitude de certains Peruviens qui ne pensent qu'a l'aspect économique des touristes (je pense par exemple a Marlon, très sympa quand il pensait pouvoir nous vendre un tour toursitique, et changeant d'attitude comme un enfant gâté peu après qu'il ait compris qu'on n'était pas intéressés). Jose Luis est de l'autre camp, et on ne l'a pas quitté sans beaucoup de souvenirs affectueux, les mêmes que ceux qui nous restent de Janeth, la responsable de l'atelier de couture qui ramène un peu de travail dans le quartier et d'argent au foyer.

En dehors des devoirs, il y avait heureusement d'autres moments plus decontractés : au soir, et aussi le jour de la fête des pères à l'école. Les enfants n'ont plus de contacts avec leur famille que dans des locaux de l'association. Mais ce jour était un vrai jour de fête. Nous étions invités à l'école. Pour une raison que je ne comprends toujours pas, j'étais le seul representant masculin de Casa Verde pendant la grande partie de la fête. J'ai donc participe aux jeux enfants-parents. Il y en avait une dizaine. Par chance, j'ai gagné le premier jeu où il suffisait de courir les yeux bandés, puis le second où il fallait mettre la tête dans la farine, les gosses gagnant balons de foot et jeu électroniques. Suite à ces "exploits", et quand leur âge leur permettait de participer, tous voulaient m'entrainer avec eux, se fâchant si je ne les suivait pas. Me retrouvant assis sur une chaise pour un autre défi, j'ai compris que le jeu auquel j'allais participer était un quizz musical du Perou, avec obligation de chanter la chanson. Aidé par une chica de Trampoline, j'ai pu trouver le titre d'un morceau. Malheureusement, et malgré mes efforts et la bonne humeur générale, le chant ne fut pas à la hauteur... Je me suis abstenu pour le reste de l'épreuve.

Après le mini-foot de l'école, après les cadeaux émouvants et la fête que nos niños nous ont organisée, nous avons encore profité 2 jours de la ville. De ses fréquents tremblements de terre, impressionnants, bien que légers. De ses 15 000 taxis, les plus dangereux du Perou, qui enlèvent les Gringos, et sont fortement déconseilles par les Arequipeñens. De son marché a la phytotérapie omniprésente, ou la maca permet de soigner les baisses de tension, les rhumathismes, les ongles incarnés, les problemes intestinaux, la goutte, la peau sèche,... Tout comme l'huile de copaiba ou d'autres produits miracles, vendus dans les bus par des marchands ambulants assez doués, et qui peuvent guérir le meme genre de maladies et bien d'autres. Nous avons aussi rencontré d'étranges vendeuses au marché. L'une, me demandant mon occupation et mes projets me répond à ma surprise amusée -mais dissimulée- "Señor,... se esta ganando un sitio en el cielo" (1)...

Quelques semaines avant, avec Ingrid et Jonathan, et à une centaine de kilomètres, nous avions descendus les 1000 mètres sur le sentier des gorges vericales du Cañon del Colca et vu de près ses condors, l'oiseau sacré des Andes . Et rencontré Guillermo, un espagnol parisien qui n'en finissait pas de "salir mañana", et est resté 2 semaines. C'est que comme Vege, le premier écossais opéré du coeur dans son enfances, et qui y est depuis 3 ans, on s'attache a Arequipa. Nous, surtout à ses mioches qui forment une vraie famille.

(1) Señor, vous etes en train de vous faire une place au paradis
.

dimanche, juin 25, 2006

Pupilles relevés

Casa verde et ciudad blanca, panoramas de chauds volcans aux neiges éternelles, albums de familles cabossées et improbables fratries de coeur recomposées, 16 petits gavroches (1) aux moues fermées et bras ouverts, tendres pupilles, têtes de bois et coeurs fragiles.

Et le temps d'un regard, échanger ce que les paroles ne pourraient que caricaturer.

Jorge et sa tete de petit malin, charmant le monde du haut de ses 10 étés, le regard perspicace, brillant, lumineux, vif comme son esprit. A l'affut de la vie. Le visage bougon d'Ursula. Ses gros yeux noirs s'allongeant à l'écoute de la chanson du feuilleton fétiche"Rebelde". Le cadeau destiné son père pour sa fete, qu'elle tient à me donner. Sa voix rugueuse et sa peur qu'on l'oublie. Pepère et bon vivant, la force tranquille et les joues rondes de Ronal, souriant sans nervosité, deja plusserein. Le cadeau de son "rosario". La mine grincheuse et révoltée de Gladis lors de ses obligations. Ses caprices d'enfant. Notre changement de tactique, et la gentille démonstration de son attitude ridicule. Sa metamorphose face à nous en une magnifique jeune adolescente, toujours aussi fière, mais plus affectueuse et démonstratrice, prenant soin de la "derniere".

Et le temps d'un sourire ou d'une colère, s'etonner de ces petits brins d'hommes et femmes, à l'enfance un peu esquintée, mais à l'affection intacte.

La solitude discrète et sage de Marisol. Le visage dissimulé derriere un rideau de cheveux dont filtre souvent le sourire. Ses recitations trop rapides et sans souffler de contes et contines(2). L'effacement de Cinthya, sa fausse allure d'ancienne garce reconvertie. La noire révolte de Dereck, sa difficulté avec l'autorité, ses chantages d'enfant maltraité. Ses besoins subits de calme, de sérieux et d'amitié. Les cris de sa soeur Casandra. Les accidents trop fréquents de ses lunettes de grand mère. Sa question lors d'un match de foot télévisé aux commentaires passionnés, qu'elle confondait avec le récent débat présidentiel Allan-Ollanta.

Et le temps de se retourner, constater les bévues enfantines.

Les yeux grands ouverts de ne rien comprendre de Felix, perdu dans le gris des devoirs, frustré, faché. Ses attitudes capricieuses, sa tête dure, et ses envolées d'affection hors de la classe. Le caractère lunatique de Monica. Son esprit qui n'a pas grandi aussi vite que son corps et se promène dans les étoiles, un peu ailleurs. L'attitude de jeu continuel de Danipsa, ses volte-face, copains pas copains, ses demandes de voltiges, de montagnes russes sur ma tête.
L'air nonchalant d'Alejandro, footballeur aux mains dans les poches. Sa tête enfoncée dans des épaules constamment relevées, d'où sort la voix aigüe, comme une croissance bloquée, comme pour ne pas grandir. Ses avancées a reculons. Ses besoins de contacts, de discussion, de caresses de ma barbe.

Et le temps d'un carousel, donner a mon dos des allures de montagne ou d'éphémere pays a découvrir.

Le visage massif de Juan-Carlos sur son corps de gnôme. Ses sautes d'humeurs, passant dans le meme mouvement d'une rébelion aux papouilles sur ma barbe . Ses mouchardages acceptés et malgré sa gentillesse. Sa voix forte. Son perfectionnisme. Le T-shirt d'Alison constamment rentre dans son pantalon remonté trop haut. Son plaisir a me nommer "Profesor Flaco", et le rire qui s'en suit. Le sourire total d'Alexander, compère de taille, de saute d'humeur et grand ami de Juan Carlos. Son hyperactivité. Sa démarche décidée, coudes relevés. Ses dents anarchistes et ses prunelles d'un noir lumineux. Derriere les cheveux de Judith, les yeux remplis de larmes dont elle ne peut connaitre la cause exacte. Qu'elle ne peut retenir. Des yeux s'échappant constamment des devoirs, cherchant un sourire, une ouverture, et tentant toujours de s'accrocher aux cous.

Et le temps d'une trop courte boucle de lune, échanger lecons de math et de vie,
Rigoureuses vérités contre fabuleuses expériences,
Camper dans les coeurs et mêler ses racines.



(1) : A la fin de notre sejour, deux petits nouveaux (Ronny et Rachel) sont arrives, pour un temps ou plus.
(2) : "Monica se viste, Monica se va, A la tienda de San Juan, Pide pan, No le dan, Pide mantequilla, Le dan Zapatilla, Pide queso, Le dan un beso, Pide rocoto, Le dan en su poto, Pide aji, Le dan aqui" (en poussant sur le nombril et riant tres fort)

lundi, juin 05, 2006

Pérou, politique et populisme

1. Extraits de www.lemonde.fr du 06.06.06
"Après avoir effectué un premier mandat jugé catastrophique entre 1985 et 1990, le leader de l'APRA est de retour à la tête du pays et succédera, le 28 juillet, au président Alejandro Toledo. "Je remercie le peuple du Pérou qui nous a donné son vote majoritaire", a lancé M. Garcia dans un long discours. Conscient d'avoir bénéficié du report des voix de nombreuses forces politiques, il a affirmé que son gouvernement serait un "gouvernement de concertation, de dialogue et d'ouverture".

"SAUVEUR DE LA DÉMOCRATIE"
La victoire de M. Garcia s'est jouée à Lima, la capitale, qui abrite près du tiers de l'électorat. La côte nord du Pérou a confirmé sa préférence historique pour l'APRA, tandis que le candidat nationaliste a reçu l'appui massif des régions andine et amazonienne, et du sud du pays. Confirmant sa domination du premier tour dans les régions isolées et démunies, M. Humala a reçu le soutien de 80,9 % des électeurs d'Ayacucho, une province du centre du pays fortement ébranlée par la guérilla du Sentier lumineux.
Le scrutin conclut une campagne menée de main de maître par M. Garcia. Connu pour ses talents de fin politique, le dirigeant de l'APRA a réussi, à 57 ans, à faire oublier en quelques semaines l'image de son premier mandat, marqué par une crise économique qui a mené de nombreuses familles à la ruine, et à s'imposer comme le "sauveur de la démocratie", face à M. Humala, dont beaucoup craignaient la dérive autoritaire.

En pleine période de tensions entre les pays d'Amérique du Sud, M. Garcia aura su retourner en sa faveur les multiples interventions d'Hugo Chavez durant la campagne électorale. Le président vénézuélien a apporté son soutien à M. Humala et a menacé de rappeler son ambassadeur à Lima, en cas de victoire de son rival social-démocrate. "Aujourd'hui, le Pérou a envoyé un message en faveur de l'indépendance nationale, de la souveraineté de la nation et a mis en échec les efforts entrepris par Hugo Chavez pour nous intégrer dans sa stratégie d'expansion du modèle militaire et rétrograde qu'il tente d'implanter en Amérique latine", a déclaré M. Garcia, dimanche soir.

Le Parti du president

APRA.L'Alliance populaire révolutionnaire américaine a été fondée par Victor Raul Haya de la Torre en 1924. Pendant soixante ans, ce parti populiste a été la bête noire des militaires, son programme prônant l'anti-impérialisme et des nationalisations, mais aussi des communistes. L'élection d'Alan Garcia à la présidence, en 1985, a mis fin à ces affrontements.

L'"interventionnisme" d'Hugo Chavez a été attaqué à la réunion de l'OEA
Le soutien du président vénézuélien Hugo Chavez au candidat nationaliste péruvien, Ollanta Humala, a suscité la controverse .
"Les démocraties latino-américaines qui ont le sentiment que le Venezuela intervient dans leurs processus démocratiques se défendent, a déclaré le sous-secrétaire d'Etat américain Robert Zoellick. Ce n'est pas seulement le Pérou, mais aussi le Nicaragua et d'autres." "La rhétorique enflammée, l'intervention, même verbale, dans les affaires d'autres pays et la disqualification morale des options politiques d'autres (pays) membres ne contribuent pas au climat d'harmonie qui devrait exister", a regretté le secrétaire général de l'OEA, José Miguel Insulza."
(Extraits du monde en ligne du 06.06.06)
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2. Ici, a Arequipa, la télé et les journaux populaires à bas prix affichés à chaques coins de rue, ont donné des reflets de campagne de bas étage, bien plus marquée par les coups bas et les accusations mesquines que par de véritables idées politiques. Et pour beaucoup de Péruviens comme Luis, le boulanger du foyer pour enfants, il fallait "choisir entre un ancien voleur revenu d'exil et un ancien militaire loco et anti-gay". Les enfants de Casa Verde préféraient le militaire, "parce qu'il n'a jamais ete président, lui", "parce qu'il a promis de nous donner a manger", "parce que Madame a dit qu'Allan (l'autre) veut qu'on étudie 10 heures par jour"... Malgré la désinformation et le climat passionel, il fallait voter. Se sentant plus voleur qu'intolerant, Luis a choisi, par défaut.