Premiers rôles
Il y a quelque jours, l'herbe à l'hombre des palmiers, entre les balancoires et la cuisine, où jouent d'ordinaire les plus jeunes, s'est couverte d'une demi-douzaine de 4*4 récents. Le vent du sud rafraîchissait l'après-midi de l'hiver tropical, et certains enfants avaient été obligés de se vêtir d'un pull. Les chaises du réfectoire avaient été sorties et alignées dans la patio. Les visiteurs sortis de leur véhicule avaient légèrement salué les éducateurs et pris place. Face à eux, une table du refectoire avait été couverte d'un drap blanc et faisait office d'autel. Le "Padre" de la paroisse, cinquantenaire arrivé en moto et dont l'allure rappelait la naissance italienne, avait disposé les objets cultuels. La photo du fondateur avait également pris place sur la table. C'était la première fois que ce père célébrait à domicile depuis la naissance du foyer car bien que créée par un prêtre, l'organisation ne percoit pas d'argent de l'Eglise et s'en veut relativement indépendante.
En regard de l'abbé, l'assemblée était divisée. D'un côté de l'allée improvisée s'étaient regroupés les visiteurs, adultes avertis dont l'habillement et les manières rappeleraient la classe aisée europénne. Les niños et leurs chaperons s'étaient assis de l'autre côté, vêtus de chemises pour l'occasion. L'un des plus impliqués parmi les membres de l'assemblée était un vieil homme, grand, rafiné et l'oeil gauche fatigué. Sa femme, plus alerte et qui, derrière ses lunettes monumentales avait articulé une critique au sujet d'un accroc dans un pantalon d'enfant, était maintenant absorbée par la prière. A côté d'une blonde maquillée qui avait repoussé ses lunettes de soleil sur ses cheveux tirés, siégeait le fils du couple, quadragénaire moustachu au physique décidé, habillé d'un T-shirt et semblant plus absent. Il était par ailleurs propriétaire de la maison hôte, architecte de l'immense projet de complexe de foyer et centre médical à construire, et entrepreneur soumissionnaire dudit projet. Plus avancé, un homme corpulent, les cheveux blancs ondulés et lunettes sombres à grosses montures. Ancien politicien local, expatrié depuis, il avait participé aux prémices de la partie boliviene du projet humanitaire, et s'y était ménagé une place dans le conseil de gestion nationnal. En raison d'une réputation floue, les éducateurs le miraient en coin. Outre son air qu'ils qualifiaient de pédant, ils chuchotaient des récits dans lesquels son frère aurait vendu du vent à l'organisation et des histoires de lien familiaux avec une employée.
Au son de la dernière bénédiction à l'accent romain, les Cruceniens du gratin qui, pour quelques-uns, découvraient le gîte, se regroupèrent à une extrémité de la cantine. La discussion ne s'établit que par bribes avec les "tios" et les enfants. A leurs interrogations concernées sur l'adjudication du chantier, je répondis avec ambiguïté. Ils restaient reculés, assis sur les chaises de bois dans ce grand local blanc tapissé de dessins d'enfants et entièrement vitré. Après s'être sustantés de traditionnels empanadas au fromage et de café, le facies affecté par les cris répétés des marmots, privés surtout de l'attirante conversation du jeune directeur en voyage à l'étranger, les premiers arrivés se levèrent pour prendre congé du foyer. Leurs alliés les suivirent. Suite à un rapide adieu, quelques niños virent donc séloigner une à une les grosses voitures et leurs occupants, dont certains se souvinrent assurément qu'ils s'étaient officielement déplacés pour montrer leur attachement au père Wasson, le fondateur de l'organisation décédé la vielle et que d'aucuns avaient rencontré.
En regard de l'abbé, l'assemblée était divisée. D'un côté de l'allée improvisée s'étaient regroupés les visiteurs, adultes avertis dont l'habillement et les manières rappeleraient la classe aisée europénne. Les niños et leurs chaperons s'étaient assis de l'autre côté, vêtus de chemises pour l'occasion. L'un des plus impliqués parmi les membres de l'assemblée était un vieil homme, grand, rafiné et l'oeil gauche fatigué. Sa femme, plus alerte et qui, derrière ses lunettes monumentales avait articulé une critique au sujet d'un accroc dans un pantalon d'enfant, était maintenant absorbée par la prière. A côté d'une blonde maquillée qui avait repoussé ses lunettes de soleil sur ses cheveux tirés, siégeait le fils du couple, quadragénaire moustachu au physique décidé, habillé d'un T-shirt et semblant plus absent. Il était par ailleurs propriétaire de la maison hôte, architecte de l'immense projet de complexe de foyer et centre médical à construire, et entrepreneur soumissionnaire dudit projet. Plus avancé, un homme corpulent, les cheveux blancs ondulés et lunettes sombres à grosses montures. Ancien politicien local, expatrié depuis, il avait participé aux prémices de la partie boliviene du projet humanitaire, et s'y était ménagé une place dans le conseil de gestion nationnal. En raison d'une réputation floue, les éducateurs le miraient en coin. Outre son air qu'ils qualifiaient de pédant, ils chuchotaient des récits dans lesquels son frère aurait vendu du vent à l'organisation et des histoires de lien familiaux avec une employée.
Au son de la dernière bénédiction à l'accent romain, les Cruceniens du gratin qui, pour quelques-uns, découvraient le gîte, se regroupèrent à une extrémité de la cantine. La discussion ne s'établit que par bribes avec les "tios" et les enfants. A leurs interrogations concernées sur l'adjudication du chantier, je répondis avec ambiguïté. Ils restaient reculés, assis sur les chaises de bois dans ce grand local blanc tapissé de dessins d'enfants et entièrement vitré. Après s'être sustantés de traditionnels empanadas au fromage et de café, le facies affecté par les cris répétés des marmots, privés surtout de l'attirante conversation du jeune directeur en voyage à l'étranger, les premiers arrivés se levèrent pour prendre congé du foyer. Leurs alliés les suivirent. Suite à un rapide adieu, quelques niños virent donc séloigner une à une les grosses voitures et leurs occupants, dont certains se souvinrent assurément qu'ils s'étaient officielement déplacés pour montrer leur attachement au père Wasson, le fondateur de l'organisation décédé la vielle et que d'aucuns avaient rencontré.
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