dimanche, octobre 29, 2006

Vrai(s) départ(s)

Après les remises en question de dernière minutes, après les “fera-fera pas”, après la vraie confusion et les fausses recherches d’alternatives, après ces tergiversations, les contrats ont été signés et le projet reprend son cheminement.

Personnelement, c’est bon de voir le chantier en route… Bien sûr la première vingtaine d’ouvriers travaille avec des plans périmés. Bien sûr l’un des entrepreneurs, qui est également l’architecte, l’ancien propriétaire du terrain, et le fils du propriétaire de la casa actuelle (vous avez dit conflits d’intérêts?) oublie les parties contraignantes des plans de détail et recherche déjà (en vain) les suppléments. Bien sûr la deuxième entreprise se fait tirer les oreilles, et le directeur national a tardé avant de demander les fonds pour l’acompte.

Bien sûr les sandales et chemises déchirées des ouvriers ne sont pas à la pointe des normes de sécurité, et sous le seul casque du chantier se trouve le chef d'équipe chaussé de "chinelas". On m’a promis des uniformes pour la semaine prochaine. Mais que veut dire ici uniforme, et surtout promettre…? En réalité il n’y a pour le moment pas la moindre machine et les seules protections vraiment nécessaires seraient de bonnes chaussures. Tout se fait a la main, à la pelle, à la houe, la bêche,… Du désherbage au creusement des fondations. Méthode archaïque et comparatif économique : les machines existent, mais les ouvriers sont moins gourmands, 100-150 US$ par mois (par comparaison, entre 1.000 et 1.500 US$ pour un ingénieur quadragénaire et... 45$ les 100 litres de diesel... c'est le calcul qui est fait). Dans ces conditions, tous se fait à la sueur, dans un rytme adapté heureusement.

Les entrepreneurs se plaignent du départ massif des “bons” ouvriers vers l’Espagne, où même illégaux, le niveau de vie est plus élevé et la sécurité sociale plus… importante. Là, pour des ouvriers à bas prix, non syndiqués, sans beaucoup de droits, il y aura presque toujours du travail. Ici, le macon se retrouve sans travail et sans revenu le jour de fin du chantier.

Le journal “El Deber” de ce jeudi 26/10 notait en “Une” que la Bolivie est le pays le plus “expulsor de gente” en proportion à sa population : 3 millions d’expatriés pour 9 millions de Boliviens. Selon leurs estimations, il y aurait 2 millions en Argentine, 400.000 en Espagne et 300.000 aux USA. Seuls 33% seraient en règle, et l’Espagne expulserait quotidiennement 27 Boliviens, dont certains sont arrivés par des agences de voyage qui leurs offrent, parfois à crédit, le “Kit” de l’immigrant : billet, passeport, et jusqu’à l’argent pour apparaître comme touriste.

La seule réponse officiele mentionnée dans le journal est l’ouverture d’un bureau d’estimation migratoire et de négociations avec l’Espagne. Autre ennemi des patrons Cruceniens après l’exode de leurs mains les plus habiles, la politique d’Evo et sa vitrine de nationalisation du pétrole qui arrive à une étape critique, constituerait pour beaucoup, en cas d’amélioration du niveau de vie, la véritable motivation à rester au pays. Au vu du climat actuel, des luttes de classes, mais aussi des luttes de cultures est-ouest, c’est pas gagné.