Le temps d'un sablier
Lentement, le sable glisse de mes paupières et hyéroglyphe mes yeux. Le temps s’imprime sur ma réine et les mots perlent sur le papier. L’épisode commenca par un départ de Santa Cruz vers 8h30. Le soleil s’était levé plus tôt encore que les niños et faisait sentir sa proximité spatiale. Contrairement aux habitudes, je n’emmenais pas d’enfants pour cette réunion de chantier; tous étaient occuppés par une activité ou un travail à terminer. Pour économiser un peu d’argent sur la location de la voiture et étant donné le climat sec, je n’avais pas choisi un 4*4 pratique pour passer le chemin de terre en travaux du dernier troncon et circuler sur le terrain, mais avais opté pour une berline de base.
Après 75 kilomètres, je fus arrêté à Portachuelo, le gros village le plus proche de ma destination, par quelques pneus et arbres sur la chaussée. Habitués à ce genre de pratique, les Boliviens étaient déja descendus de leurs bus colorés, camions, tracteurs trainant leur quadruples remorques de canne à sucre, vieux taxis collectis, Jeeps de luxe et pick-up aux âges et chargements multiples. Présents comme à chaque arrêt, des Bolivien(ne)s aux physiques plus “Incas” vendaient les traditionnels sachets plastiques remplis de pommes de terre, boulettes de viande, maïs, glaces au yahourt, bouteilles de soda,… Tout ce qui peut être englouti par un Bolivien lors d’une halte, surtout dans le cas d’un “Bloqueo” (manifestation) qui était prévue jusqu’à 18h, voire une partie de la nuit.
Initié moi aussi aux pratiques boliviennes, mais préférant la recherche de solutions à l’ordinaire réaction fataliste, désirant arriver au chantier pour fixer des niveaux de référence, et pour tout dire cherchant à combattre les nationnaux sur le terrain du filoutage, je suis allé parler avec une “Mamita” qui vendait des sodas dans son frigo-box sur roulettes. Elle m’apprit la durée probable de la fermeture. Ne me parla pas des raisons de la grève dont je savais que l’origine était différente pour chacun. Me répondit aussi que si, il est malgré tout possible de passer, en faisant une boucle par des chemins de campagne. Expliqué comme il l’était, le chemin était simple et “assez court”. Je fis donc demi-tour et empruntai le “camino” qu’elle m’avait indiqué. Après une quinzaine de kilomètres, les poteaux électriques en “T” s’étaient tranformés en troncs grossièrement écorcé, les trois câbles s’étaient simplifiés, et le tout avait finalement totalement disparu de l’horizon, comme les habitations. Du haut de ses 37 degrés, le soleil avait ramoli le sable compact du début. Le chemin s’était rétréci et les ornières s’étaient creusées. Les vitres poussiéreuses filtraient l’effet de la déforestation, et seules trois couleurs en passaient : le sable, le bleu du ciel, et le vert des palmiers, tajibos, balsas,… esseulés au milieu des nouvelles cultures de canne. La confiance de mon sens de l’orientation commencait à irriter ma raison qui pensa plusieurs fois que la Toyota ne pourrait pas franchir la “dunette”, ne voyait pas la fin de la boucle et ne comptait pas se retrouver ensablée. Après un temps cependant, un tracteur apparut, puis un fil électrique, un chemin plus large, et un chien. Après plus d’une heure et 30 kilomètres de sable, j’arrivai à un village. Une file de véhicules s’y était formée, et des hommes armés de machettes empêchaient le passage. On me dit que j’étais à… Portachelo. Il n’etait donc pas possible de passer. Heureusement, j’appris aussi que j’étais du côté est, vers le terrain.
Passée la visite du chantier, le diner, et la dépense de 5 Bolivianos pour vérifier une roue bruyante, j’étais bien décidé à attendre sagement la fin du blocus avec le lot d’autres malchanceux. Alors que je partageias l’ombre d’un arbre avec deux camioneurs et que nous discutions pour tuer le temps, un moto-taxi dont l’activité et les revenus gravitaient autour des véhicules arrêtés nous indiqua une possibilité de contourner le barrage, qu’il nous montrerait pour 15 bolivianos (10 au camion, 5 à l’auto). Le camioneur qui s’était ensablé la veille en essayant un détour ne voulait pas plus que moi retenter l’aventure. Cependant, devant l’assurance du “joven” et l’attente encore longue, nous nous laissons convaincre, après quelque marchandage. Le motard nous emmena à travers champs jusqu’à un carrefour où un employé de la compagnie électrique nous confirma la possibilité de court circuiter le blocus. Malgré une impasse et un demi-tour conséquent à mon incapacité à lire le caractère prioritaire ou secondaire du sable du chemin, où un chien s’étonna à mon premier passage et se fâcha lors du second (sur une seule journée…), la voiture tint bon et retrouva le bitume et la ville avant le soir. Juste le temps d’appeler quelques gamins pour m’aider à gommer ses rides et autres effets co-latéraux du bloqueo, avant que ne passe le marchand de sable...
Après 75 kilomètres, je fus arrêté à Portachuelo, le gros village le plus proche de ma destination, par quelques pneus et arbres sur la chaussée. Habitués à ce genre de pratique, les Boliviens étaient déja descendus de leurs bus colorés, camions, tracteurs trainant leur quadruples remorques de canne à sucre, vieux taxis collectis, Jeeps de luxe et pick-up aux âges et chargements multiples. Présents comme à chaque arrêt, des Bolivien(ne)s aux physiques plus “Incas” vendaient les traditionnels sachets plastiques remplis de pommes de terre, boulettes de viande, maïs, glaces au yahourt, bouteilles de soda,… Tout ce qui peut être englouti par un Bolivien lors d’une halte, surtout dans le cas d’un “Bloqueo” (manifestation) qui était prévue jusqu’à 18h, voire une partie de la nuit.
Initié moi aussi aux pratiques boliviennes, mais préférant la recherche de solutions à l’ordinaire réaction fataliste, désirant arriver au chantier pour fixer des niveaux de référence, et pour tout dire cherchant à combattre les nationnaux sur le terrain du filoutage, je suis allé parler avec une “Mamita” qui vendait des sodas dans son frigo-box sur roulettes. Elle m’apprit la durée probable de la fermeture. Ne me parla pas des raisons de la grève dont je savais que l’origine était différente pour chacun. Me répondit aussi que si, il est malgré tout possible de passer, en faisant une boucle par des chemins de campagne. Expliqué comme il l’était, le chemin était simple et “assez court”. Je fis donc demi-tour et empruntai le “camino” qu’elle m’avait indiqué. Après une quinzaine de kilomètres, les poteaux électriques en “T” s’étaient tranformés en troncs grossièrement écorcé, les trois câbles s’étaient simplifiés, et le tout avait finalement totalement disparu de l’horizon, comme les habitations. Du haut de ses 37 degrés, le soleil avait ramoli le sable compact du début. Le chemin s’était rétréci et les ornières s’étaient creusées. Les vitres poussiéreuses filtraient l’effet de la déforestation, et seules trois couleurs en passaient : le sable, le bleu du ciel, et le vert des palmiers, tajibos, balsas,… esseulés au milieu des nouvelles cultures de canne. La confiance de mon sens de l’orientation commencait à irriter ma raison qui pensa plusieurs fois que la Toyota ne pourrait pas franchir la “dunette”, ne voyait pas la fin de la boucle et ne comptait pas se retrouver ensablée. Après un temps cependant, un tracteur apparut, puis un fil électrique, un chemin plus large, et un chien. Après plus d’une heure et 30 kilomètres de sable, j’arrivai à un village. Une file de véhicules s’y était formée, et des hommes armés de machettes empêchaient le passage. On me dit que j’étais à… Portachelo. Il n’etait donc pas possible de passer. Heureusement, j’appris aussi que j’étais du côté est, vers le terrain.
Passée la visite du chantier, le diner, et la dépense de 5 Bolivianos pour vérifier une roue bruyante, j’étais bien décidé à attendre sagement la fin du blocus avec le lot d’autres malchanceux. Alors que je partageias l’ombre d’un arbre avec deux camioneurs et que nous discutions pour tuer le temps, un moto-taxi dont l’activité et les revenus gravitaient autour des véhicules arrêtés nous indiqua une possibilité de contourner le barrage, qu’il nous montrerait pour 15 bolivianos (10 au camion, 5 à l’auto). Le camioneur qui s’était ensablé la veille en essayant un détour ne voulait pas plus que moi retenter l’aventure. Cependant, devant l’assurance du “joven” et l’attente encore longue, nous nous laissons convaincre, après quelque marchandage. Le motard nous emmena à travers champs jusqu’à un carrefour où un employé de la compagnie électrique nous confirma la possibilité de court circuiter le blocus. Malgré une impasse et un demi-tour conséquent à mon incapacité à lire le caractère prioritaire ou secondaire du sable du chemin, où un chien s’étonna à mon premier passage et se fâcha lors du second (sur une seule journée…), la voiture tint bon et retrouva le bitume et la ville avant le soir. Juste le temps d’appeler quelques gamins pour m’aider à gommer ses rides et autres effets co-latéraux du bloqueo, avant que ne passe le marchand de sable...
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